Rencontre de deux membres du Collectif des Lecteurs avec le président du Conseil d’Administration et la Directrice de l’ENS, le 12 décembre 2006


    Jean-Baptiste Gourinat (JBG) et Matthieu Cassin (MC) ont rencontré le 12 décembre 2006, au Conseil d’État, au nom du Collectif et à sa demande, Monsieur Jean-Claude Mallet (JCM), Président du Conseil d’Administration de l’ENS, en présence de Madame Monique Canto-Sperber (MCS), Directrice, de Monsieur Jean-Charles Darmon (JCD), Directeur-adjoint littéraire, de Madame Danièle Ablin (DA), Directrice-adjointe de la Bibliothèque des Lettres, et de Madame Joëlle Busuttil, directrice de cabinet de MCS.

    JBG et MC ont remis à JCM la liste mise à jour des signataires de la pétition et lui ont exposé les motifs de l’opposition aux frais : raison de principe, caractère contre-productif de la mesure, qui fera fuir les lecteurs, et tarira certaines ressources de la bibliothèque (dons, échanges, legs), tout en donnant une image internationale déplorable. Ils ont souligné que des frais d’inscription élevés feraient fuir les lecteurs, et que des frais d’inscription bas (10 €) rapporteraient moins (30 000 €) qui les dons et échanges (69 000 €). Ils ont insisté sur la nécessité de développer des solutions alternatives : appel systématique aux dons, développement du mécénat.

    MCS s’est déclarée sensible à la réaction suscitée par la mesure, réaction dont l’ampleur l’a surprise, car elle croyait que les esprits étaient prêts à accepter des frais d’inscription. Devant l’ampleur de la protestation, elle doit constater que, contrairement à ce qui lui avait indiqué, les esprits n’étaient pas prêts. Soucieuse de maintenir le lien entre l’ENS et les lecteurs de la bibliothèque, elle considère donc qu’il faut reprendre entièrement et autrement la question de la recherche de ressources propres de la bibliothèque (en dehors du financement par l’État et par l’ENS). Elle se dit désormais hostile au maintien de frais de bibliothèque, tant qu’il n’y aura pas consensus sur ce point au sein de la communauté des lecteurs de la bibliothèque. Elle a souligné que le montant important des frais envisagés (100 à 200 €) était motivé par le souci d’efficacité de la mesure, et que, à ses yeux, des frais moins importants (de l’ordre de 20 euros) contribueraient peu à résoudre le problème des ressources propres de la bibliothèque. Elle tire toutes les conséquences du mouvement de protestation des lecteurs en ne souhaitant pas conserver le principe de frais d’inscription.

    JCM a souligné l’importance qu’il attachait à ce dialogue avec des représentants du collectif, tout en  rappelant sa position sur le respect des prérogatives et de la liberté de décision du Conseil d’Administration ; il ne pouvait pas préjuger du résultat des délibérations  du prochain CA, qui débattrait de la question des frais dans la partie “budget de la bibliothèque” du budget de l’ENS. Il a souligné la nécessité  de présenter un budget en équilibre : or, il manquait, dans le scénario initial préparé par la direction, si on ne retenait pas les frais votés, 130 000 euros pour financer la bibliothèque. Selon lui, on ne peut pas tout attendre de l’État et ne dépendre que de lui. L’argument de la modicité des sommes à attendre ne lui paraissait pas en soi le plus convaincant : 30 000 ou même, à ses yeux, 5000 € ne sont pas une somme négligeable, et la piste de frais modérés pour financer la bibliothèque ne doit pas être négligée. Il remarque que, si les lecteurs ne sont pas prêts à acquitter 10 € pour la bibliothèque, et si on entre dans une logique de pressions quant à la fréquentation, alors il est difficile de ne pas se poser la question  de la réalité de l’attachement de ce lectorat  à la bibliothèque. En outre, la bibliothèque représentant grosso modo un coût annuel variant autour d’1 million d’euros, il fallait être en mesure de justifier cette dépense au regard des missions et objectifs assignés à l’Ecole et de la meilleure utilisation de ses crédits pour atteindre ces objectifs, sans redouter cette analyse. JBG et MC ont souligné que l’utilité de la bibliothèque et l’attachement de ces lecteurs résultait d’un ensemble de facteurs (le libre accès et le prêt, entre autres, soulignés par MCS) dont la gratuité faisait partie, ce dont JCM prend volontiers acte.

    JCM ajoute qu’il est particulièrement sensible au poids que peuvent représenter des frais pour certaines catégories de lecteurs, a fortiori s’ils sont élevés. Il reste ouvert aux solutions proposées, et renvoie à la future décision du CA, et aux travaux de la  commission de financement, à laquelle il participera. Mais il estime, pour sa part, que la bibliothèque ne peut pas être financée entièrement par l’État, si l’on veut pouvoir en faire un outil résolument adapté aux besoins de demain. Il  souligne la nécessité de poursuivre l’informatisation de la bibliothèque, de s’attacher à la numérisation du fonds et de réfléchir de façon très active à la prise en compte, à l’Ecole, de la numérisation des savoirs et des livres, tant dans les outils offerts à la communauté normalienne et scientifique la plus large, que dans des travaux de recherche sur les conséquences de la numérisation quant à l’acquisition des savoirs.

    JCD a rappelé l’importance de la bibliothèque pour les rapports entre élèves et archicubes, et pour le rayonnement de l’Ecole auprès de la communauté scientifique internationale, et a témoigné de l’effet désastreux des frais excessifs auprès des universitaires étrangers. JCD, DA, ainsi que JCM, ont déploré que la mesure ait été prise de manière précipitée, sans avoir tenu compte des travaux de la commission. DA a rappelé quelques points essentiels émanant de l’ancien groupe de travail consacré aux frais, qui étaient la nécessité d’une information longue et conséquente, d’assortir en son temps cette nouveauté d’une augmentation des services rendus (horaires, ressources électroniques accessibles de l’extérieur , etc...) et d’un engagement de la direction pour porter ce « changement historique ».

    Il a été rappelé par JCM, texte à l’appui, que, contrairement à ce que croyaient la totalité des présents à la réunion, la mesure présentée par la direction et votée en CA le 16 octobre concernait toutes les bibliothèques, y compris les bibliothèques scientifiques, et non pas les seules bibliothèques littéraires.

    MC et JBG ont souligné en conclusion que la pétition n’était pas porteuse d’intérêts corporatistes normaliens, puisqu’elle était signée par un grand nombre de lecteurs non normaliens, usagers de la bibliothèque ainsi que par des personnes totalement extérieures.


Ce compte-rendu, rédigé par JBG et MC, a été revu par MCS et JCM, et rendu public avec leur accord.